Les LETTRES DE MA MAISON N°16
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Hantant la ville et les espaces publics, un troupeau de maisons hautes et étroites, qui s'ouvrent comme des boîtes à musique sur des histoires d'amour enfermé.
Les grandes envolées d'un projet passent à la moulinette de la réalité: ce parcours inévitable qu'on appelle création. Chronique de chaque étape.

REVERS

JR s’est déplacé spécialement pour voir la préfiguration des maisons à Nanterre. Il est venu au début et est parti à la fin et il était là tout le long. Il n’aime pas. Ça ne lui parle pas. Il n’adhère pas à la forme. Il dit : « si vous venez aux Rencontres avec le spectacle que j’ai vu vous allez vous faire tuer. » Il dit « c’est le musée des horreurs » et il cite surtout la maison jaune. Il dit les chœurs sont bien et sous-exploités mais le jeu dans les maisons laisse à désirer. Il dit : soit ce n’est pas assez dans l’horreur soit (il ne précise pas) ça l’est trop. Il dit : les maisons jaune et rose sont bien dans ce que tu annonces, la rouge je ne comprend pas, la marron trop gentille. Je lui dis c’est une étape de travail. Il répond je veux la voir ailleurs et différemment. Ce n’était pas une mauvaise représentation. Il y avait beaucoup de monde et un peu de chahut. Il est embêté comme quand on aime bien un artiste et pas ce qu’il fait. Il compare avec la chorale. Il était tout derrière. Je crois qu’il n’a pas entendu les mots. Les mots ça n’est pas son truc et si on ne les écoute pas dans ce spectacle, on ne peut pas saisir. Ça me chagrine et pas. Il est malheureux de n’être pas rentré dans le spectacle. ça arrive. Je sais que la forme et le fond des Maisons sont difficiles. On trace de nouveaux sillons.

FL d’Ilotopie me maile qu’ils ne participeront pas à l’aventure malgré des contacts très positifs, des envois et leur scénographe qui est venue voir un bout. Elle me dit cette année est une étape de restructuration et on ne peut pas suivre ça. Ça n’est pas leur histoire.

Réunion avec tous les acteurs des Maisons pour faire le point. Tout le monde est content de l’aventure mais il y a beaucoup de questions et d’envies. C’est un spectacle modulaire dont la forme ne s’impose pas pour l’instant. Il faut trouver la ou les bonnes mises en espace. Envie d’approfondir les personnages, de passer du temps et en même temps ce serait bien d’être payé pour ça. Les rituels des maisons à approfondir. Certains détails de construction à peaufiner. Mais on parle surtout de l’approfondissement des personnages, de leur nécessité, la place du Don Juan systématique. Ça me renvoie à moi tout ça et aux choix que je dois faire. Je croyais trouver des réponses auprès des comédiens mais c’est le contraire.

Nous montons un petit film de 15 minutes qui présente les Maisons telles qu’elles ont fonctionné sur les 2 dernières expérimentations. C’est fidèle.

Je rencontre PG pour Chalon. On fait connaissance et je lui explique l’enjeu et les envies, notamment de faire une version polyglotte. Je lui envoie le film. Il me répond que le film est bien mais qu’il ne voit pas le spectacle dans sa programmation.

Appel à D.A. qui, sur dossier, n’est pas intéressé. Il dit : «  C’est du théâtre que tu fais. Tu écris bien mais ça ne me branche pas. » J’essaie de le convaincre mais peut-on convaincre un programmateur qui ne le sent pas ?

Kifkif avec P.S. qui est déjà débordé de projets.

Mon objectif est de finaliser les Maisons (5 ème maison + forme globale), les montrer sur un festival pour programmateurs et, ensuite, que le spectacle vive sa vie. C’est ce que je dis carrément à JMS et que, donc, j’ai besoin de lui. J’espère qu’il me dira oui mais je n’ai pas de garantie.

J’ai réécrit la péremption du serviteur, moins ampoulée, beaucoup plus abimée. Cette version me plait bien. Itou avec la Châtelaine que je veux mettre au passé, enfermée dans un amour posthume pour son mari défunt et qui lui réclame les clefs qui lui permettront de refaire sa vie.

Pour la cinquième Maison, je voulais faire la Grise mais au fur et à mesure, je me dis qu’elle est un peu répétitive par rapport aux autres (omniprésence de la mort). Je relis les autres scénars que j’ai imaginés. Et puis j’ai l’idée d’une maison à quatre volets pour quatre chansons racontées : l’une d’une fille qui veut se marier, est prête à y aller, mais surseoit toujours, une autre qui, faute d’amant, aime son frigo et ce qu’il y a dedans, une troisième érotomane, amoureuse d’un présentateur télé qui veut le rejoindre derrière le petit écran, et la quatrième, je ne sais pas encore. Mais il me faut 20 000 € pour la monter entièrement (construction/costumes/musiques et répétitions) et je ne sais pas où trouver l’argent.

L’automne est propice au repli et à l’inquiétude et je suis touché de plein fouet.

En même temps, ceci m’amène à m’interroger sur notre place dans le paysage des arts de la rue. La place du texte.

Le temps passe. Ça ne se bouscule pas au portillon pour nous permettre de finir. Je doute que nous ayons la cinquième maison.

Alors que les Noëlleries battent leur plein, je m’abîme dans une petite déprime, les ailes rognées, l’élan gommé, avec cette question : cette création pourrons-nous la finaliser ?

(a suivre)

PS : j’envoie ce texte un peu tard. C’est pas simple de partager les revers. Nous sommes en Janvier et le soleil montre peut-être un bout de son nez. L’espoir, ce complice essentiel quand on veut créer…

 

le dossier en résumé: http://www.acidu.com/fichmaison.htm