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Les LETTRES DE MA MAISON N°13
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Hantant la ville et les espaces publics, un troupeau de maisons hautes et étroites, qui s'ouvrent comme des boîtes à musique sur des histoires d'amour enfermé.
Les grandes envolées d'un projet passent à la moulinette de la réalité: ce parcours inévitable qu'on appelle création. Chronique de chaque étape.

 

28 Août : Le transporteur arrive avec 1h30 de retard à Champigny. Ça commence hyper-bien. Il n’y a pas les clefs de la grille pour entrer dans le site de notre local. Il faut tout transporter à pied. Il fait beau. Je suis arrivé à 10h environ, en même temps que l’organisation. Plaisir de se revoir. Prise de marques. A midi le camion arrive. Une allée trop étroite l’empêche d’entrer dans le parc. Heureusement que les maisons sont à roulettes !

Les artistes et techniciens de tous les spectacles de la journée sont arrivés. Pique-nique convivial. Il y a les Tréteaux du Cœur Volant avec leur dernière créa, Tableaux Vivants, la Brigade d’Annibal et Transe Express qui fera Mobile Home.

Nous avons pris du retard. Du coup, même si nous ne jouons qu’à 17h, le temps nous est compté. Le scénario que j’ai prévu est celui de la Ménagerie dCdC : changement dans l’ordre des modules et simplification par rapport à Malbrouck. Lors de la dernière répétition, j’ai insisté sur la personnalité et sur la cohésion des membres de l’AAA. C’est ce sur quoi doivent porter nos efforts. Chacun se prépare pendant que Patrick, Boualem et Laurent affinent la préparation des maisons.

Il y a un monde fou sur le parc.

Chacun s’affaire au mieux qu’il peut et affronte les urgences dans l’ordre, préparation des accessoires, vérification des sonos, habillage… A côté, le public des Cœurs Volants remplit la pelouse. Nous sommes dans un coin un peu à l’écart, plus intime. 16h45 : j’envoie Olivier commencer ses déclarations d’amour. Il peine à trouver ses marques. Le public arrive, s’installe, nombreux, de plus en plus nombreux. Arrivée de la Maison Marron puis des comédiens dans des costumes noirs et rouges, très concentrés, très borderline, très décalés par rapport à ce public familial. Un public très nombreux, très sage, un peu surpris mais très attentif qui se prêtera gentiment aux changements d’angles et à nos frasques. Les enfants regardent les images, les adultes suivent le texte, ça se voit. Ces histoires coincées, monstrueuses, sous ce beau soleil de fin août. Hormis quelques problèmes de sono et de velcros sur la maison Jaune, le spectacle se déroule bien. Les tireficelles annoncent la fin. Le gros du public applaudit et s’en va, un chouïa désorienté. Mais le sniper embraye et conteste, il reste encore à peu près 150 spectateurs. Il clôt sa harangue. Applaudissements. Une cinquantaine de spectateurs hésitent encore, se demandent, puis constatent que c’est vraiment la fin. J’aurais envie de leur demander, de les interroger tous mais je n’ose pas. Comme une envie de débat. Un père furibard s’adresse à un comédien : « Ce n’est pas possible de présenter ça sans prévenir. Mon enfant me pose des questions auxquelles je ne peux pas répondre. » Il est vrai que si certaines maisons autorisent des interprétations morales et simplificatrices – ce dont ne se priveront pas certains parents : « tu vois ce qui arrive quand on boit trop ! » - d’autres ne le permettent absolument pas. J’aimerais bien savoir ce qui a pu se dire après entre enfants et parents. Pendant qu’on commence à ranger, un jeune père, à genoux au milieu de la pelouse, est en grande discussion avec sa fille d’une dizaine d’années. J’avoir à saisir quelques mots : « tu comprends, c’est ce qui peut arriver dans la vie quand elle se coince, quand elle se fige… » Je ne suis pas sûr d’avoir tout saisi mais c’était magnifique ce moment entre lui et elle.

C’est l’image que je garderai de cette journée.

Le soir venu, on se retrouve avec les comédiens pour faire le point autour d’un pot et les imaginations gambadent sur ce qu’on pourra faire l’an prochain, à partir de cette base là.

Nous n’en sommes pas encore là. Loin de là.

A suivre

les précédentes chroniques et le dossier en résumé: http://www.acidu.com/fichmaison.htm