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Les LETTRES DE MA MAISON N°14
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Hantant la ville et les espaces publics, un troupeau de maisons hautes et étroites, qui s'ouvrent comme des boîtes à musique sur des histoires d'amour enfermé.
Les grandes envolées d'un projet passent à la moulinette de la réalité: ce parcours inévitable qu'on appelle création. Chronique de chaque étape.

 

11 sept : Il fait gris au Plessis-Robinson. Le Parc est escarpé. Le festival y prend place tout en haut, sur un très vaste belvédère formant un long et large couloir. J’y suis allé en repérage mais mon optimisme naturel m’a trompé derechef : le semi-remorque ne passe pas. Il faut remonter les maisons une à une, tractées soit par notre fourgonnette, soit par la voiture de Boualem. Heureusement qu’elles sont à roulettes. Tout le monde s’y colle et nous sommes à peu près dans les temps. Le programme est assez chargé, comme le ciel. Chacun s’affaire sur sa maison et mange quand il a le temps. L’heure avance. Il est temps pour la première compagnie programmée de commencer et il se met à pleuvoir. On bâche les maisons en attendant notre tour. Public chiche qui grandit néanmoins, de plus en plus, preuve qu’il y a bien un besoin, une envie, une fringale. Nous sommes placés à côté d’Edouard et Malou, qui ont installé leur voiture tout à côté et sur lesquels nous devons enchainer. Ils débutent avec un chouïa de retard et sous la pluie, courageusement. Le public arrive, grandissant. Un homme s’intéresse de près aux maisons, essayant de voir ce qu’il y a dedans, comme pas mal de monde, finalement. Je lui fait remarquer que le spectacle va commencer plus tard. Il me rétorque : « Je connais bien la compagnie. Avec eux, il faut voir avant, pendant et après. » Première fois qu’on me dit ça mais ce n’est pas désagréable. La rue génère ses aficionados, elle aussi. Edouard et Malou continuent mais il y a déjà des spectateurs qui s’installent. Je lâche Olivier pour qu’il commence ses déclarations avant l’heure dite : c’est le principe. Normalement, c’est de la proximité et ça ne doit pas gêner nos gentils voisins. Sauf qu’au terme d’une montée en puissance assez rapide il se met à attaquer la déclaration à la foule avant qu’ils aient terminé, ce qui n’a rien d’agréable pour eux évidemment – je m’en excuserai plus tard auprès de Christophe -. Heureusement la fin de la déclaration coïncide avec la fin du spectacle d’à côté car c’est le début du spectacle proprement dit.

La pluie a cessé. Il y a un monde fou, trop peut-être, ce qui provoquera des inconforts qui décourageront certains d’aller jusqu’au bout. Le spectacle s’affirme au fur et à mesure des représentations. L’introduction est claire, bien menée. Nous passons à la maison marron et vogue la visite, qui n’en est pas vraiment une puisque nous invitons chaque fois notre public à s’asseoir pour qu’ils soient les plus nombreux à voir. Le propos de la maison marron est encore à clarifier, c’est celui qui suscite actuellement le plus de questions. Saynètes et péremptions se succèdent malgré un faux rythme instauré par les déplacements. Faut-il les supprimer carrément et regrouper les maisons dans un même champ de vision ? C’est ce que nous allons tenter à Nanterre.

Pendant que se déroule la saynète de la maison Rose, à la fois la plus charmante et la plus hard, je regarde nos spectateurs : c’est un spectacle où il se retrouve voyeur, un gigantesque trou de serrure par lequel il découvre une intimité même lézardée. Je repense au chef-d’œuvre de Jean Eustache : « Une sale histoire », aux gênes et aux questions qu’il peut provoquer. Coïncidente fraternité.

A la fin, notre sniper amoureux intervient avec un mégaphone –carrément- et rompt les applaudissements, instaurant un dialogue dont on me dira ensuite qu’il était salutaire autour de ce qui avait été montré. Les comédiens réagissent bien, donnant rendez-vous à l’importun pour leur réunion de jeudi. Le public est nombreux, chaleureux, pendant ce dialogue et soudain une sirène retentit sur la camionnette ONG de CIA. Chacun repart avec le colis qu’il s’est fait, croyant pour certains qu’il s’agit du même spectacle.

La Ménagerie dCdC n’est pas un spectacle unanimiste, c’est le moins qu’on puisse dire.

A suivre

les précédentes chroniques et le dossier en résumé: http://www.acidu.com/fichmaison.htm