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Les LETTRES DE MA MAISON N°11
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Hantant la ville et les espaces publics, un troupeau de maisons hautes et étroites, qui s'ouvrent comme des boîtes à musique sur des histoires d'amour enfermé.
Les grandes envolées d'un projet passent à la moulinette de la réalité: ce parcours inévitable qu'on appelle création. Chronique de chaque étape.

 

Trois jours de recherche et d’approfondissement au cœur de juillet, entre deux tournées. Une journée pour la maison marron, une autre pour la rouge, une dernière pour la jaune. Nous sommes à Champigny, dans le hangar qui abrite provisoirement ces maisons qui n’entrent pas dans notre local.

Marthe, qui n’a pas tous les éléments pour répéter ses manipulations, fait contre mauvaise fortune bon cœur. Nous refaisons avec Laurent le parcours de Joe Pataud, parcours qu’il connaît maintenant mais dans lequel il doit pouvoir prendre ses aises. Objectif : élargir, alléger, et trouver cette atmosphère à Buster Keaton qui collerait bien à la maison. En début d’après-midi, après une petite préparation, Louis prend la peau de Joe, se jette dans son parcours et en ré-improvise, à l’arrache, toutes les étapes. Il l’aborde avec une telle décontraction que tous les objets prennent un nouveau sens et on se prend quelques bonnes bosses de rire au passage. Alors que c’est une faute que tout metteur en scène se doit d’éviter absolument : montrer au comédien comment il faut faire, ici nous avons un élargissement. Laurent se dit que dans son parcours millimétré, oui, il y a de la liberté et de l’inventivité. A lui de se la créer, à nous de l’y aider.

Au cours de la séance, la contrebasse, mal arrimée, tombe soudain et Patrick, qui est venu jeter un œil entre deux constructions, n’a que le temps de se jeter pour la rattraper et s’égratigne au passage. Du coup, on va travailler provisoirement dans un espace libéré et inventer des moments qui ne sont pas dans l’histoire, toujours dans le but d’élargir le jeu du personnage.

La Maison Rouge bouge aussi. Eric Traissard n’étant pas dispo pendant le mois de Juillet, on a raccourci la bande son avec Olivier, comme on pouvait mais avec un résultat plutôt satisfaisant. L’histoire de Red Lerouge faisait quatre minutes de plus que les autres et le rythme, forcément, en souffrait. Du coup, avec un montage resserré, tout se précipite et il faut reprendre de nouvelles marques. Les accessoires de l’histoire s’enrichissent également : la chimère qui a maintenant quatre avatars différents, et les récipients pour ingurgiter les boissons, qui vont d’un simple verre à un plein seau. Par ailleurs, c’est le moment maintenant de tempérer le jeu et le densifier. Je me rends compte qu’on a, dans les premières approches, voulu remplir absolument, au risque de la gesticulation. Prenons le temps de la présence et des articulations ciselées. Dingue le temps qu’il faut pour parfaire 9 minutes. Travail d’artisan, pour lequel Mika et Jacot s’entendent comme larrons en foire.

Vient le jour de la Maison Jaune, elle aussi trop gesticulée. Trouver la bonne approche, le bon rythme, des bases solides pour le jeu. Personnage et maison doivent pouvoir dialoguer mais sans s’enfermer dans un tête à tête. On essaie de nouvelles bases de jeu : Solo se fait son show devant le public-miroir en dépit d’une maison qui l’amène à la mort. Le jeu de Sam se précise et la maison, ce faisant, existe davantage. Entre le délabrement d’icelle et le sien propre, avec cette nécessité de s’offrir néanmoins bon visage dans le miroir public, il s’invente des chemins nouveaux, trouvant dans cette double contrainte la nourriture qui lui manquait. En fin de séance, Djamel nous fait pivoter la maison, puis tressauter. L’image tangue. C’est bouffon, c’est tragique, c’est magnifique. Impressions allègres de fin de répétition mais qu’il va nous falloir solidifier et pérenniser pour le spectacle. On a fait cependant un pas décisif et je sens du soulagement autour de moi.

Trois jours, c’est trop court. Il faudrait trois semaines. Le terrible c’est que, même aidés pour cette création, nous sommes tellement fragiles financièrement qu’on ne peut pas s’offrir le luxe de ces trois semaines qu’on ne peut pas payer. D’autres dates nous attentent et nous pressent, qui nous fournissent aussi les moyens de survivre. Alors…

On se retrouve en fin de mois pour reprendre le travail et préparer Malbrouck.

 

A suivre

le dossier en résumé: http://www.acidu.com/fichmaison.htm