SUITE
Les LETTRES DE MA MAISON N°8
retour sommaire
Hantant la ville et les espaces publics, un troupeau de maisons hautes et étroites, qui s'ouvrent comme des boîtes à musique sur des histoires d'amour enfermé.
Les grandes envolées d'un projet passent à la moulinette de la réalité: ce parcours inévitable qu'on appelle création. Chronique de chaque étape.

 

21 Mai : On arrive à Plouigneau à 12h15. Au premier abord, impression d'un jour ordinaire : la place a son aspect de tous les jours mais ça ne va pas durer. On retrouve Michelle et Claude, puis Blandine, Jean-Michel, Yffic, Jean Marie et toute l'équipe du Fourneau. Du soleil mais du vent. On se cherche des points de repli. Déchargement. Montage. Nos potes de Babylone sont là, en pleine créa eux aussi. Ils ont monté un cercle de caravanes comme les pionniers du Far West pour un « cabaret fréquent » que nous ne pourrons pas voir ce coup-ci –incompatibilité d'horaire- mais qui a l'air bien alléchant. Il y a aussi les Têtes de Vainqueurs dans leur spectacle phare et Lucie B. que j'avais déjà croisée chez Cacahuète et qui mène une quête du prince charmant sur tout le Mai des Arts. Plaisir des rencontres de passage, d'une date à l'autre.

A 15h les deux chorales sont là. Petit brief initial. Tout le monde a l'air de bonne humeur. On se fait le parcours, on répète ensemble dans les différents endroits où nous aurons à intervenir. Les chorales répètent indépendamment les dix minutes de récital qu'elles auront à produire.

Le comité des fêtes installe ses barnums pendant ce temps là. Le son, la lumière se mettent en place sous la houlette de Jean Michel.

A 17h30 les chorales sont invitées à l'Ecomusée de Plouigneau, le bébé chéri de monsieur le maire. On y retrouve de vieux tracteurs, des moissonneuses, des batteuses, des outils agricoles et artisanaux du siècle dernier voire, pour certains, du siècle d'avant. De petites bouffées d'enfance remontent aux narines d'un grand nombre de choristes.

Nous profitons de l'occasion pour lancer le repérage sentimental avec nos deux équipes de l'A.A.A (Amicale des Amoureux de l'Amour) qui sont accueillies avec plaisir. Les questions sont directes et plutôt du ressort de l'intime mais les réponses sont sincères si ce n'est tout à fait approfondies. L'ambiance ne prête pas particulièrement à la confidence. Cependant nous apprendrons plus tard qu'elles ont beaucoup fait parler par la suite ce qui correspond parfaitement à l'un de nos objectifs initiaux.

L'heure avance. Dans les loges, quelques verres aidant, l'ambiance monte du côté des chorales. Au dernier moment, il nous faut repiquer un CD sur le MD des maisons. Un type qui n'arrive pas à brancher sa friteuse fait disjoncter 2 fois l'alimentation générale. Patrick et Djamel s'arrachent les cheveux.

19h33 : début de la soirée par un laïus du maire à l'Ecomusée. Ce n'est pas la grande foule sur la place. Les Kvocaux se positionnent devant la maison Rose tandis qu'Olivier se lance dans ses déclarations tous azimuts. Virginie est à l'intérieur, qui attend. Le public arrive, tranquillement. Les Kvocaux attaquent leur mini-récital. Plutôt réussi, je trouve. Isabeau embraye avec la présentation de la maison Rose. Pas mal de monde a pris place autour de la maison. La musique s'élève. La maison s'ouvre, suscitant un frémissement de plaisir chez les petites filles et chez leurs mères. Une maison de poupées en grand, un vieux rêve d'enfant. Je regarde les visages au fur et à mesure que l'histoire s'avance. Mais ça ne fonctionne pas, pas tout à fait. La voix de Virginie ne s'entend pas. Il y a comme un décalage. Une suite d'images qui passent sans se déposer. Une première froide qui me laisse insatisfait. Il en sera de même pour la maison Jaune, après le mini-récital de Mélodissimo. Il y a de la plantade dans le chant. Du mou dans les effets. Un manque d'affirmation dans le jeu. Je suis inquiet.

Les Têtes de Vainqueurs prennent le relais, ainsi que Lucie B.

Il y a un peu plus de monde. Les baraques à frites font le plein. J'erre un peu de ci de là, gardant mon insatisfaction pour moi. Le vent souffle encore un peu.

A 21h30, deuxième passage. Celui-ci sans mini-récital et sur un cérémoniel différent.

Olivier, qui est allé faire quelques déclarations chez les dîneurs, se juche sur un escabeau et entame une déclaration à la foule. Le jour a sensiblement baissé. Les chorales sont là, au complet et les spectateurs s'attroupent. Olivier est très beau sur son escabeau et les spectatrices jubilent à ses mots. Une complicité joviale s'installe très vite. Il lance la maison Rose et cette fois on entend Virginie. Le mur du son est aboli et ça réagit. Lorsque la maison se referme, les deux tireficelles, Isabeau et Djamel, se rejoignent sur un court texte chorégraphié qui fait la liaison. On passe à la maison jaune. Les chœurs sont en place et cette fois à tous les sens du terme. La maison s'ouvre. Les voix sont plus fortes, plus affirmées, et le jeu de Samuel s'en ressent. Il grandit. Ça vibre mieux déjà. L'histoire commence à prendre sa véritable dimension. Les panneaux s'ouvrent et se referment. Ce pauvre Solo et ses problèmes d'égo touchent bien le public et la magie de la maison fonctionne. A peine s'est-elle refermée que le Sniper Amoureux (Olivier) intervient pour contester. La maison Rose s'est rapprochée. Débat court qui voit les deux personnages des maisons arriver démasqués et entrer dans la foule en clamant que les amours ratés ont aussi droit de cité, ce qui suscite un murmure d'assentiment surprenant dans le public. Puis, sans prévenir, les tireficelles se muent respectivement en un domestique ampoulé qui se cherche un maître digne de lui et une romancière à l'eau de rose péremptoire, chacun prenant a parti une personne du public. Le public est séparé puis se retrouve autour du Sniper qui essaie de faire éclater sa vérité, tout aussi incomplète que les autres, hurlant : «  Je refuse que l'amour soit un fer que la mort doit forger. L'amour n'est pas moins bon parce qu'il est léger  » Cette dernière reprise en slogan par le public. Cependant que les deux chorales qui se sont réunies lancent entre chien et loup « Trois petites notes de musique », le morceau qu'elles se sont trouvé en commun. Les comédiens les rejoignent et invitent des spectateurs à danser. Un moment magique s'est installé. Il y a du bonheur qui guinche, et particulièrement dans les chorales qui nous suivent depuis tous ces jours. Un grand plaisir partagé.

Le reste de la soirée verra se mettre en place un mini-fest-noz , un bœuf improvisé des chorales qui verra Annette et Annick, les deux responsables des chorales, partager les mêmes chants dont certains révolutionnaires, un repas soulagé et heureux et, pour notre part, un chargement des décors calamiteux qui se terminera aux alentours de 2h du matin. Armelle, l'une des chefs de chœur de Mélodissimo, nous a aidés jusqu'au bout. Grâce lui soit rendue.

Le lendemain, une partie de l'équipe se lève à 6h pour aller jouer au diable-vauvert mais c'est une autre histoire.

Du côté des comédiens comme du côté des chorales, la rencontre a bien joué et nous a enrichis. Elle laissera des traces. Du côté du spectacle, il y a des leçons à tirer, des clefs à forger, des progrès à faire mais nous ne sommes pas loin de toucher quelque chose.

La suite se jouera le 19 Juin, à Trappes.

(A suivre)

PS : La résidence a été organisée et financée grâce au Fourneau de Brest. La Maison Rose a été conçue et réalisée par Mélanie Claude assisté de Erwan Belland, Caroline Laguna & Stéphane Boure (coproduction avec la Paperie d'Angers). La Maison Jaune a été conçue et réalisée par Véronique Vigneron assistée de Boualem Behnous, Eric Leroux & Dominique Christina avec l'aide du Moulin Fondu et de la société Réplicart. L'accessoirisation de la maison rose ainsi que l'ensemble des costumes ont été conçus et réalisés par Véronique Vigneron assistée de Eric Leroux pour la construction, Dominique Christina, Lénaïc … & Véronique Biron pour les costumes. Fabrication des masques : Mona Bausson. Régie Générale : Patrick Warin. Composition & enregistrement de la musique : Eric Traissard. Direction d'acteurs : Louis Gatta. Préparation de la résidence : Estelle Tran. Ecriture & mise en scène : P. Prévost COMEDIENS : Virginie Bracq, Isabeau Shahzada, Djamel Afnaï, Olivier Boudrand & Samuel Mathieu ;   La Cie Acidu est épaulée dans cette création par le Ministère de la Culture , la DRAC Ile de France & la Spedidam.

le dossier en résumé: http://www.acidu.com/fichmaison.htm